Méditations poétiques
Car, ainsi que les corps, la pensée est féconde.
Un seul désir suffit pour peupler tout un monde ;
Et, de même qu'un son par l'écho répété,
Multiplié sans fin, court dans l'immensité,
Ou comme en s'étendant l'éphémère étincelle
Allume sur l'autel une flamme immortelle,
Ainsi ces êtres purs l'un vers l'autre attirés,
De l'amour créateur constamment pénétrés,
A travers l'infini se cherchent, se confondent,
D'une éternelle étreinte, en s'aimant, se fécondent,
Et, des astres déserts peuplant les régions,
Prolongent dans le ciel leurs générations.
O célestes amours ! saints transports ! chaste flamme !
Baisers où sans retour l'âme se mêle à l'âme,
Où l'éternel désir et la pure beauté
Poussent en s'unissant un cri de volupté !
Si j'osais !...» Mais un bruit retentit sous la voûte.
Le sage interrompu tranquillement écoute ;
Et nous, vers l'occident nous tournons tous les yeux :
Hélas ! c'était le jour qui s'enfuyait des cieux !
Lamartine, Méditations poétiques - La mort de Socrate.